La Mirabelle Rouge

ArcelorMittal: Sarko sème du vent et Mittal s'en moque!

Humour de sous-préfecture: "Votre message est entendu au plus haut sommet de l'Etat" 

 vendredi 2 mars


Les forces de l’ordre ont repoussé des voies les métallos qui avaient auparavant refusé plusieurs fois de quitter les lieux malgré les demandes du sous-préfet de Thionville François Marzorati. Les salariés se sont rabattus vers le poste de contrôle ferroviaire qu’ils occupent depuis le début de matinée. Ce poste gère la circulation des trains chargés de produits finis sortant de l’aciérie.
Des bousculades avaient lieu entre les gendarmes, casqués et revêtus de la tenue anti-émeute, et les métallos qui chantaient la Marseillaise. L’intervention, d’une dizaine de minutes, a fait un blessé léger parmi la cinquantaine de manifestants. 
Dans la matinée, M. Marzorati avait demandé aux protestataires de libérer la voie pour «permettre la circulation des trains», dont plusieurs étaient à l’arrêt à Thionville.
Plus tôt vendredi matin, les protestataires avaient bloqué la gare d’Ebange par laquelle passent tous les trains approvisionnant en acier l’usine ArcelorMittal, ainsi que le poste de contrôle. «L’objectif est de perturber la production pendant au moins 24 heures», avait expliqué un syndicaliste.
Il s’agit de la cinquième action «coup de poing» des salariés d’ArcelorMittal qui occupent une partie de l’usine depuis le 20 février pour réclamer le redémarrage des deux hauts-fourneaux en sommeil depuis plusieurs mois.
Lors d’un Comité Central d’Entreprise qui se tenait en matinée au siège d’ArcelorMittal France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la direction a indiqué que les travaux de maintenance de l’un des hauts fourneaux débuteraient «très rapidement», sans pour autant évoquer une reprise d’activité, selon des syndicalistes.
Le groupe «nous dit que les 2 millions (d’euros) prévus pour le haut fourneau P6 (à l’arrêt depuis octobre, ndlr), seraient engagés très rapidement, là, dans les semaines à venir», a dit à la presse Jean-Marc Wecrin (CFDT).
«S’ils enclenchent tout de suite les travaux, ça veut dire qu’il y a l’idée de redémarrer (le haut fourneau P6), mais ça ne sort pas de leur bouche», a commenté M. Wecrin, en interprétant ces propos comme une stratégie «pour qu’on se calme». «Mais ça ne nous calme pas», assure-t-il. (RL)

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Sarkozy déclare : « Les conditions sont réunies pour que l’activité redémarre » ....mais la direction ArcelorMittal ne tient pas le même langage 

Hier à Saint-Denis.......(article du RL )

Un simple coup de fil et on bloque tout. C’est reparti comme en quarante. » 9h20 hier, devant le siège vitré ultramoderne d’ArcelorMittal à Saint-Denis, dans le nord francilien. Jean-Marc Vecrin, délégué CFDT, arrive remonté. Moins de deux heures plus tard, à la pause du comité central d’entreprise, il téléphone à Florange. Les salariés descendent sur la voie ferrée mosellane (lire ci-dessus). La voix posée, le délégué syndical se veut d’abord positif : « On est déjà à un autre niveau de discussion. Geert Van Poelvoorde, patron de la Division Nord, répond plus précisément aux questions. On a des explications. Le problème, c’est qu’elles ne nous rassurent pas. »

Car là où Nicolas Sarkozy parle avec beaucoup d’assurance au futur au moment d’évoquer le redémarrage du P6, la direction d’Arcelor préfère conjuguer l’avenir au conditionnel. Une nuance de taille : « Geert Van Poelvoorde a relativisé les propos du Président. Le redémarrage est conditionné à beaucoup trop de choses », grimace le délégué. « Jusque-là, la stratégie de la direction était de dire que cette somme serait investie six semaines avant un rallumage. Aujourd’hui, on nous dit que l’investissement va être fait mais ne sera pas synonyme de reprise. Le discours est très axé sur le marché, l’économie, l’Europe. Mais on ne nous donne pas de date. Il est question de faire le point sur le taux de commandes à la mi-mai. Aucun ordre de redémarrage n’est prévu d’ici là », explique-t-il, avant la reprise de séance. Une nouvelle heure s’écoule. Il est près de 13h lorsque François Pagano, de la CFE-CGC, réapparaît dans le hall pour annoncer la fin du comité : « Il y a des éléments propices à une accalmie. D’autres trop incertains. On a eu devant nous un patron qui m’a convaincu de sa volonté de ne pas détruire le site de Florange. Il nous a rappelé qu’il s’agissait d’un fleuron mondial de la sidérurgie, qui fabrique tous les produits nobles du groupe. Il nous a aussi rassurés sur Ulcos. Si le projet se fait, ArcelorMittal mettra sur la table les millions d’euros nécessaires. »

« Un petit geste pour nous calmer »

Aucun des délégués ne crache sur les investissements annoncés. « C’est une bonne nouvelle. Ils avaient déjà été demandés mais avaient jusque-là toujours été refusés », explique Xavier Le Coq, de la CFE-CGC. Mais ils ne suffisent pas. Florange reste trop tributaire du marché : « Si le taux d’activité de commandes reste égal à celui du deuxième trimestre, c’est-à-dire plus de 3,5 millions de tonnes, on aura absolument besoin de huit hauts fourneaux. L’un s’arrêtant à Dunkerque, il est possible que le numéro six de Florange soit redémarré », analyse François Pagano. Mais pour le savoir, il faudra attendre la mi-mai. Soit juste après la présidentielle, quand le tourbillon médiatique et politique sera retombé.

Le rendez-vous tardif laisse amer. Et si Arcelor n’avait fait qu’acheter la paix sociale ? Jean-Marc Vecrin n’est pas loin de le penser : « Si seulement une annonce d’investissements sur l’aciérie avait été faite, on aurait pu revoir notre jugement. Mais pas là. Les 2 M€ visant à relancer la phase liquide, c’est un petit geste pour nous calmer. »

Les syndicats quittent le siège, perplexes : « On décidera de la stratégie à venir lundi matin à 9h. Aux salariés de se prononcer. »

Philippe MARQUE. (RL du 3.03.2012)

 

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Vendredi 24 février

 

Combien de temps, ce blocage ? Edouard Martin (CFDT), pris d’assaut par toute la presse de France et de Navarre, entretient le mystère, même s’il y a toutes les chances pour que le mouvement se poursuive aujourd’hui . « Ça fait quarante ans qu’on court derrière la direction pour connaître leurs intentions. Il serait temps maintenant qu’ils nous courent après. L’angoisse a changé de camp. » La voix du leader CFDT se casse au fil des interviews, des invectives et des discours. Mais la détermination reste.

Hier matin, les sidérurgistes ont commencé par occuper calmement le portier de Florange et sa partie expédition, avant de forcer le trait dans l’après-midi. Mise à feu de pneus, impossibilité pour les collègues du laminoir à froid de prendre leur poste, pagaille au niveau du stationnement et présence policière renforcée au fil des heures. Les poids lourds sont restés sur le parking interne, engins chargés de bobines d’acier plat. « Si Arcelor ferme, c’est toute ma vie qui sera chamboulée. Pas seulement la mienne, celle de milliers de personnes ». Jean-François Keck, sous-traitant chez Ondeo IS, parle calmement, mais avoue une colère rentrée. « J’étais de nuit. J’ai arrêté à 5h le matin et suis venu avec les autres à 8h. Par solidarité. » Ici, pas de consigne de grève. « Personne n’est opposé à personne. Mais il faut que Mittal comprenne qu’on prend possession de son usine. Ils mettent en péril notre avenir ? On va mettre en péril son porte-monnaie. » Serge et Maurice, service chemin de fer, n’en démordent pas : « J’espère que ça lui coûte un max. On leur a promis la misère, on va leur faire ».

Pénurie organisée

« Qu’on arrête de nous mentir, s’insurge Jean Mangin (CGT). Si aujourd’hui, on s’attaque à la Lorraine, demain, ce sera Dunkerque ou Fos. » Walter Broccoli (FO) ne mâche pas ses mots : « C’est une honte. Inimaginable de voir une entreprise qui marche, laissée ainsi à l’abandon. Des commandes ne sont pas honorées parce que Mittal organise sa propre pénurie. » L’intersyndicale exige le redémarrage des hauts fourneaux et de sa filière liquide pour retrouver un véritable acier made in Florange de bout en bout. Mais la direction ne plie pas.

« On ne produit pas assez en Europe et Mittal préfère acheter à des concurrents. Tout ça pour faire monter les cours de l’acier », dénonce Xavier Le Coq (CFE-CGC). Florange continue à produire de l’acier, mais avec des brames de Dunkerque. Et même de Brême (Allemagne) et Gand (Belgique), selon l’aveu même de la direction. Les syndicats évoquent aussi la Pologne. « Pour approvisionner l’Europe, 60 000 tonnes pourraient être achetées à Severstal, le concurrent russe », n’en revient pas Walter Broccoli. « Nos clients "auto" se plaignent d’une recrudescence sans précédent de défauts d’origine aciérie », livre Xavier Le Coq. Et les sidérurgistes de considérer leur acier comme un trésor de guerre. « C’est le fruit de notre travail. Il n’y a pas une usine au monde qui sache faire ce qu’on fait. » Edouard Martin rebondit sur les propos de Nicolas Sarkozy, « lui, qui prend si souvent exemple sur l’Allemagne, qu’il comprenne : nous sommes les Allemands de la France. La qualité made in Florange, elle est ici. C’est celle que les Allemands achètent. Et on voudrait fermer un des fleurons de l’industrie française ? Que les économistes de pacotille ne viennent pas nous expliquer que c’est inéluctable. »

Laurence SCHMITT. (RL du 24.02.2012)

 

 Xavier Le Coq, secrétaire national de l’industrie de la métallurgie CFE-CGC : « On n’est pas surpris, mais nous sommes malgré tout déçus. C’est une stratégie financière. On oublie que derrière il y a des hommes. »

• François Pagano, délégué CFE-CGC : « On nous a dit qu’ils redémarreraient peut-être au troisième trimestre mais on sait pertinemment que c’est faux. En parallèle, ils nous annoncent l’importation de 60 000 tonnes de métal de Seversthal, en Russie. C’est le comble de l’hypocrisie : d’un côté, ils reconnaissent qu’il n’y a pas assez de métal, et de l’autre, ils disent qu’il n’y a pas suffisamment d’activité. On est très en colère. A partir de maintenant, il n’y a plus une tonne d’acier qui quittera le site de Florange à destination des clients. »

• Edouard Martin, délégué CFDT : « La direction s’était engagée à redémarrer nos hauts fourneaux si celui de Dunkerque n’arrivait pas à alimenter, ici, en acier le train à chaud. Et voilà qu’elle annonce au CCE l’achat de 60 000 tonnes de métal en Russie. Entre brigands, on arrive toujours à s’entendre... La direction vient tout simplement de signer l’arrêt de mort de Florange. Si certains avaient encore un doute sur la mort programmée de Florange, il est définitivement levé. Si ça sent la fin, il est hors de question que Mittal démantèle Florange. »

• Walter Broccoli, délégué FO : « L’importation d’acier en provenance de la Russie constitue l’aveu que Florange ne redémarrera pas. Florange, c’est foutu ! On va jeter un millier d’emplois à la rivière et tuer un fleuron de l’industrie métallurgique au nom de la rentabilité financière. Que Sarkozy, qui a dit vouloir tout faire pour sauver Florange, téléphone tout de suite à Mittal et qu’il fasse pression sur lui. »

• Jean Mangin, délégué CGT : « Importer des brames de Russie ? C’est la démonstration que Mittal ne veut pas redémarrer Florange. »

 

 

« Et nous, on se dit qu’on est juste de la viande »

Luttes syndicales, plans sociaux… Les hommes connaissent. Souvent, la pudeur prédomine, mais ils voient leur avenir se boucher.

Ici, il y a comme un petit goût d’histoire qui se répète. « Je revois la même chose qu’à Gandrange», soupire, un brin philosophe, Sébastien Schauffelberger. Il a travaillé au four électrique à Gandrange de 2004 à 2009, avant d’être reclassé au service énergie des hauts fourneaux. Le répit n’a été que de courte durée, « J’ai l’impression d’être encore en plein dedans. » Comme si les luttes syndicales ne devaient jamais cesser. « Et puis, avec mon métier très spécifique, dispatcheur gaz, je regarde autour et me demande où je vais bien pouvoir aller. Au Luxembourg, Rodange et Schifflange sont aussi sur la sellette. »

Christophe, lui, c’est un ancien de la cokerie de Carling. Un plan social estampillé 2009. Aujourd’hui, pour travailler, il n’hésite pas à faire tous les jours 110 kilomètres aller et autant retour. « J’habite Francaltroff, près de Dieuze. J’essaie de vendre. Mais ça aussi, c’est difficile. » Autant dire que ce boulot, il y tient, même s’il a perdu en salaire. « C’est pour travailler, que je fais tous ces kilomètres. C’est pas un boulot facile, mais je le défends parce que je l’aime et que j’en ai besoin. » A 38 ans, marié et père de trois enfants, Christophe est mécanicien d’entretien à la cokerie de Serémange. « Une cokerie, ça ne s’arrête pas. Alors on envoie notre coke à Dunkerque et eux nous retournent des brames, alors qu’on pourrait faire tout ça, ici. C’est fou, non ? Pourtant, notre installation vaut le coup. Un savoir-faire que les Allemands recherchent. C’est nos brames à nous, qu’ils veulent. On est les garants de la qualité allemande. »

Le charbon, le traitement gaz, les fours, ressortir noir chaque jour, c’est son quotidien. « Mon métier, il est physique. Vraiment. Y’à un côté Germinal, mais y’a aussi toute cette solidarité. Je me souviens des fours bloqués l’an dernier. On était tous là, à se défoncer pour notre outil de travail. On a réussi et pourtant, ce n’était pas une sinécure. » Mais il n’y a plus guère que les salariés eux-mêmes qui semblent croire en leur outil de travail « Au niveau national, les politiques nous ont laissés tomber, nos dirigeants jouent p’tits bras face à Mittal et nous, on se dit qu’on est juste de la viande. »

L. S. 

 

Pendant le blocus, Mittal achète de l’acier russe

L’intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC-FO a obtenu, hier, au comité central d’entreprise d’ArcelorMittal Atlantique Lorraine le report du CE au 2 mars. Et appris que Mittal achète 60 000 tonnes d’acier russe.

On savait bien qu’il allait nous présenter le projet de prolongation de l’arrêt des hauts fourneaux de Florange.

LE FAIT DU JOUR

Nous avons exigé des réponses claires sur le devenir de ces installations. Des réponses de la part d’un décideur du groupe ! Le président a préféré reporter la séance après de nombreuses interruptions. » Yves Fabbri (CGT) résume l’ambiance de ce comité central d’entreprise d’ArcelorMittal plutôt agité, hier matin, à Paris.

L’intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC-FO avait choisi l’offensive en réclamant deux ou trois réponses claires sur l’avenir de la filière liquide de Florange, non sans avoir dénoncé d’entrée, dans une déclaration solennelle, « la casse industrielle organisée en Lorraine par Mittal. » Mais la colère des syndicats a redoublé lorsqu’ils ont appris de la direction l’importation de brames russes pour alimenter les installations de la division nord du groupe, où fonctionnent actuellement sept hauts fourneaux.

« Ce sont 60 000 tonnes de brames d’acier (des plaques épaisses d’acier qui sont ensuite transformées) du Russe Severstal qui doivent compléter la production de nos installations pour le deuxième trimestre 2012. Des brames qui iront aux aciéries de Gand, en Belgique, et de Brême, en Allemagne », affirme Jean-Marc Veckring (CFE/CGC), scandalisé, comme ces collègues, par cette décision.

« Ils préfèrent faire venir de l’acier d’un autre groupe plutôt que de redémarrer un haut fourneau. Il y aura carrément tromperie sur la marchandise pour le client », s’indigne François Pagano (CFE/CGC). D’aucuns y voient « l’arrêt de mort programmé de Florange. » Des syndicats déjà échaudés par les rumeurs de brames polonais acheminés à Florange, ce qu’a une nouvelle fois démenti, hier, la direction d’ArcelorMittal, tout comme Philippe Collet, secrétaire CGT du comité d’entreprise de Dunkerque, « dont les trois hauts fourneaux sont les seuls fournisseurs de brames du site lorrain. »

« La France, priorité du groupe »

La direction d’ArcelorMittal France, par la voix de son PDG Hervé Bourrier (lire également par ailleurs), tentait tant bien que mal de justifier la décision du groupe « qui agit en responsable, car il ne peut produire de l’acier qu’il ne pourra pas vendre. » Rappelant une fois de plus le souci d’ArcelorMittal « de préserver l’avenir de l’activité en Lorraine en consacrant des moyens à la maintenance des installations afin d’assurer leur redémarrage dans les meilleures conditions », il a enfoncé le clou en réaffirmant que « la France reste une priorité du groupe. » Ce qui n’a pas convaincu les représentants du personnel qui ont réclamé la présence d’abord d’Aditya Mittal, patron des aciers plats carbone Europe, pour finalement obtenir, après plusieurs interruptions de séance, un report du comité central d’entreprise au 2 mars prochain avec la présence confirmée d’un membre de la direction de la division nord d’ArcelorMittal Atlantique Lorraine, en la personne de Geert Van Poelvoorde. « Il devra nous dire clairement si, oui ou non, la filière liquide redémarrera un jour en Lorraine. Nous demanderons énergiquement la reprise des activités des usines à chaud de Florange et du packaging. » Un répit d’une semaine qui n’empêchera pas syndicats et salariés de Florange de poursuivre leur action et leur bras de fer avec la direction du géant de l’acier.

Bernard KRATZ. (RL du 24.O2.2012)

 

Jeudi 23 février

 

 

 

 

 Les métallurgistes d’ArcelorMittal bloquent les expéditions du site

Entre 200 et 300 métallurgistes de l’usine ArcelorMittal de Florange ont bloqué jeudi la sortie des expéditions du site pour faire pression sur la direction et obtenir le redémarrage des hauts-fourneaux à l’arrêt depuis octobre. 

 

Bras de fer dans le monde de l’acier. La direction d’ArcelorMittal Florange hausse le ton et l’intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFE-CGC n’a pas l’intention de se laisser faire. Occupation du poste de garde et entrée bloquée à tout véhicule : la réponse des salariés au zèle de quelques agents de sécurité, hier matin. « Faut quand même qu’ils comprennent que si Mittal ferme, on n’aura plus besoin d’eux non plus », soupire Edouard Martin. Le syndicaliste CFDT a mal au dos. Resté debout trop longtemps. Mal au cœur aussi : « L’intimidation commence, j’ai reçu des menaces à peine voilées. » Bien qu’aucune serrure n’ait été fracturée, on l’accuserait de dégradations. Pourtant, les portes sont en tellement bon état que celle de la grande salle de réunion a pu être verrouillée dans la nuit. « Prise de guerre » reprise ? « Comme par hasard, la clé avait été perdue aussi, heureusement qu’on en a trouvé une autre… » Depuis, pour s’y rendre, il suffit de suivre les flèches indiquant « bureau des salariés ».

Aux communiqués internes que signe quotidiennement le directeur Thierry Renaudin, les syndicats opposent leurs tracts. Et affichent les soutiens qui se multiplient. Vers 8h30, un camion s’arrête devant les grilles. C’est celui de Bernard Hennequin, patron de Vigro à Thionville. Le grossiste décharge merguez, saucisses, steaks hachés et côtelettes. « C’est normal, on peut faire un geste, c’est aussi nos clients : on travaille avec les gens d’ici. » L’association des commerçants de Florange s’est aussi manifestée, si besoin.

Et Dieu dans tout ça ?

Dans un autre registre, les communautés catholiques et protestantes ont exprimé leur soutien « sans réserve aucune » aux salariés en lutte. « Dieu a créé les richesses de sa terre pour tous, et pas seulement pour quelques-uns ! », signent conjointement pasteur et archiprêtre du secteur. C’est aussi Xavier Mathieu, un ancien Conti-Clairoix, qui a envoyé un texto à Edouard Martin. Ce sont encore ces salariés d’H & E, filiale d’ArcelorMittal, « les plus bas salaires du groupe », affirme Edouard Martin, qui se sont cotisés pour l’intersyndicale. Ou bien, en fin de journée, la venue de deux représentants espagnols de la FEM, la Fédération européenne de la métallurgie, qui, avant une réunion au Luxembourg aujourd’hui, ont fait le détour par Florange. Sans oublier la délégation luxembourgeoise de l’OGBL. De quoi ne pas se sentir seuls dans la lutte.

E. de R. (RL le 23.02.2012)

 

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ArcelorMittal : la voix de la rage

Près de 200 salariés d’ArcelorMittal Florange ont pris possession des Grands Bureaux, hier matin. Le siège durera tant que les hauts fourneaux ne seront pas rallumés. « L’usine nous appartient », clament les métallos en rogne.

 

 

 

 

 

On veut travailler ! On veut travailler ! Cette usine-là, elle est à nous et à personne d’autre ! » Dans le froid, hier matin, ils sont près de 200 à crier leur détermination. Il est 8h. Comme promis, les salariés d’ArcelorMittal Florange sont au rendez-vous… un peu moins nombreux que lors de l’assemblée générale de jeudi dernier ( RL du 17 février).

LE FAIT DU JOUR

Le poste de garde (aisément) passé, les drapeaux de l’intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFE-CGC flottent jusqu’au pied du paquebot de béton abritant les Grands Bureaux. Lieux rapidement investis sous l’œil interloqué des hôtesses d’accueil retranchées dans leur bocal. La direction est située au premier étage mais on murmure que Thierry Renaudin, le directeur, est passé récupérer ses affaires ce week-end. « Son ordinateur, quelques dossiers. Ça et un téléphone, il n’a pas besoin de plus pour travailler », sourit un militant syndical.

Sauf que M. Renaudin a verrouillé derrière lui et qu’en haut des marches, les salariés sont bloqués devant une porte de verre. « Walter, rappelle-toi, les Conti, ils se sont retrouvés au tribunal ! »

Maîtres à bord

Walter Broccoli (FO) s’énerve sans réelle intention d’aller plus loin. Les consignes de l’intersyndicale sont claires : pas de provocation, pas de dégradations. « On ne va pas casser notre outil de travail, ne tombons pas dans le piège qu’ils veulent nous tendre. » Mais « on veut qu’on nous respecte, on veut discuter avec notre direction alors qu’on nous ouvre ! »

La clé arrive. Derrière la porte de verre, c’est zone moquette et portes en bois. À défaut du bureau de la direction, resté bloqué sous les huées, ce sera la salle de réunion. Celle où « toutes les grandes décisions concernant l’avenir de ce site sont prises ». Edouard Martin (CFDT) parle, tandis que tout le monde s’assoit autour de la table. « Le premier acte a été posé. Aujourd’hui, on est les seuls maîtres à bord et on s’installe de manière définitive. » Du moins tant que les hauts-fourneaux ne seront pas rallumés. Le boulot des 600 (sur les 2 800 CDI du site) salariés concernés par la filière liquide, des 160 entreprises sous-traitantes et 405 intérimaires en dépend. « Aujourd’hui, on a la rage. »

Le café chauffe, les tentes, les tables et les chaises ne vont pas tarder à arriver, prêtées par la Ville de Florange. Sur le parvis des Grands Bureaux et en face, on monte « un village de la résistance », selon les mots de Norbert Cima (FO).

Enjeu des élections

« La lutte va être longue, reprend Edouard Martin devant une forêt de micros, si on les emmerde pas, on est morts. Là, on est en sursis uniquement parce qu’il y a les élections. » Et ArcelorMittal Florange veut devenir « un enjeu de cette campagne ». Avec promesse d’organiser une action par semaine jusqu’au 6 mai. Première échéance majeure : le CCE (Comité central d’entreprise) extraordinaire ce jeudi à Paris. Les délégués de Florange ont bien l’intention d’y demander quelques explications. Sur le fait, par exemple, que certaines brames estampillées Dunkerque, viendraient en fait de Pologne et d’Allemagne. Ce qui veut dire tromperie sur la marchandise… et sur les promesses puisque « la direction avait dit qu’elle ne redémarrerait pas Florange tant que Dunkerque ne serait pas à 100 % ».

« On veut licencier Renaudin, c’est un bon à rien ! » « Sarkozy a menti ! » « J’ai travaillé 45 ans, j’ai jamais été au chômage, il faut que j’attende 60 ans pour l’être. » Entre cris de colère et constat désemparé, les sidérurgiqtes d’ArcelorMittal Florange rappellent à leur patron que « derrière les chiffres, il y a des hommes ».

Déterminés à ne plus se laisser embobiner. Par quiconque. « Sarkozy, s’il venait, je crois pas que ce serait une bonne idée, glisse Jacques Minet (CFDT), les plus remontés sont les anciens de Gandrange. S’il venait, je pense qu’ils l’accueilleraient à coups de boulons. »

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Rachid, agent de maîtrise dans le transport à ArcelorMittal Florange : « En tout, il me reste huit mois à faire, je pourrais me contenter d’attendre mais non, je pense aux jeunes alors je suis là ! En quarante-trois années passées chez Arcelor, j’ai vu les usines fermer les unes après les autres : d’abord Micheville, du côté de Villerupt, puis Longwy où j’habite toujours, et Jœuf et Rombas. Depuis 1974 jusqu’à aujourd’hui, il y en a eu des noms aussi : au début, je bossais pour la société Unimétalqui est devenue Lorfonte avant de s’appelerSollac et maintenant ArcelorMittal. Autant de changements que de plans sociaux car à chaque fois il y avait évidemment des gens laissés sur le carreau. La situation actuelle ? On aurait dû malheureusement s’y attendre. On s’est tiré une balle dans le pied quand on a cédé et accepté que l’usine accueille 140 000 tonnes de brames par mois en provenance de Dunkerque. La direction a même fait construire exprès une nouvelle voie ferrée interne à 1,7 M€! Mais bon, on n’a pas dit notre dernier mot ! »

 

 

 

(articles et photo RL du 21.02.2012)

 

 

 

 

 

 



21/02/2012
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