La Mirabelle Rouge

Contamination durable au Japon.... (mission de la CRIIRAD)

Valence

Communiqué du 7 juillet 2011

Conséquences au Japon de l’accident de Fukushima Daiichi :
une contamination massive, durable et très étendue

 

Le laboratoire de la CRIIRAD a effectué une mission au Japon du 24 mai au 3 juin 2011 [1]. Le présent
document fait état des constatations issues des premiers résultats d’analyse. Les dépôts de césium
radioactif sur les sols ont été très importants. Ils génèrent, et vont générer pendant longtemps, un flux
de rayonnements gamma responsable de l’irradiation de la population sur des très vastes étendues. En
l’absence de mesures de protection, des centaines de milliers d’habitants vont recevoir, du fait de cette
exposition externe, des doses de rayonnement très supérieures à la limite de 1 mSv/an. Il faut ajouter à
cela l’exposition interne (du fait notamment de l’ingestion d’aliments contaminés) et surtout toutes les
doses reçues depuis le 12 mars derniers, des doses qui ont été ont pu être extrêmement élevées au
cours de la première semaine du fait de la quasi absence de mesures de protection.

 1 / Importance de la contamination à plus de 60 km : l’exemple de la ville de Fukushima

L’irradiation externe conduit à un niveau de risque inacceptable

Les mesures de terrain et analyses de sol effectuées par le laboratoire de la CRIIRAD sur la ville de
Fukushima, située à 60-65 km de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, indiquent que les
retombées de césium 134 et 137 radioactif sont de plusieurs centaines de milliers de Bq/m2 :
490 000 Bq/m2 sur la pelouse de l’école primaire Moriai ; plus de 700 000 Bq/m2 dans le quartier Watari.

En se désintégrant, les atomes de césium émettent des radiations gamma très pénétrantes. Elles
peuvent parcourir dans l’air plus de 60 mètres, c’est ce qui a permis aux américains d’établir une carte
des retombées au moyen de sondes héliportées. Ces radiations traversent également les murs et les
fenêtres des habitations et irradient les gens dans leur domicile.

Fin mai 2011, les débits de dose relevés par la CRIIRAD dans la ville de Fukushima, à 1 mètre du sol, en
extérieur, étaient typiquement plus de 10 fois, voire plus de 20 fois supérieurs à la normale (supérieurs
à 1 et 2 μSv/h). L’irradiation est encore mesurable dans les étages des bâtiments. Des mesures
effectuées au 4e étage d’un immeuble ont montré un excès de radiation qui augmente lorsqu’on se
rapproche des fenêtres (même fermées). A l’intérieur d’une maison individuelle du quartier Watari, la
CRIIRAD a mesuré un débit de dose plus de 3 fois supérieur à la normale au contact du tatami dans la
chambre des enfants (0,38 μSv/h) et 6 fois supérieur dans le salon à 1 mètre du sol (0,6 μSv/h). Devant
la maison, on mesure, 2,2 μSv/h dans le jardin d’agrément et 2,9 μSv/h au niveau de la pelouse d’une
école proche (mesures à 1 mètre du sol).

Cette irradiation ne diminuera que très lentement. Elle est due en effet principalement au césium 137
et au césium 134 dont les périodes physiques sont longues (30 ans et 2 ans respectivement). Cela
signifie que la radioactivité du césium 137 sera divisée par 2 dans 30 ans. On peut estimer que dans les
douze mois à venir, la radioactivité du césium 134 ne sera abaissée que de 30 % et celle du césium 137
de 3%. La radiation ambiante ne sera réduite que de quelques dizaines de %.
1

Si rien n’est fait, les habitants de la ville de Fukushima pourraient subir dans les douze mois à venir
une irradiation externe de plusieurs milliSieverts alors que la dose au-delà de laquelle le risque de
cancer mortel est jugé inacceptable par la CIPR (Commission Internationale de Protection
Radiologique) est de 1 milliSievert par an, ce qui correspond à 5 décès pour 100 000 personnes
exposées.

Or les autorités japonaises ont fixé une limite de dose de 20 milliSieverts comme critère pour décider
d’évacuer définitivement ou non les populations. Ceci correspond à un risque de cancer mortel à
terme 20 fois supérieur au risque acceptable. Ceci est d’autant plus grave que les habitants de
Fukushima ont déjà été fortement exposés. Il faut également tenir compte des doses liées à la
contamination interne que ces populations continuent à subir par ingestion de denrées contaminées
et des risques liés à l’inhalation de poussières à partir du sol contaminé.

Dans la ville de Fukushima, la CRIIRAD a mesuré par exemple dans la terre prélevée sous les
balançoires de l’école primaire Moriai, une contamination en césium 137 + 134 de 370 000 Bq/kg. Ce
sol est devenu un déchet radioactif qui devrait être stocké dans les meilleurs délais sur un site
approprié.

Une population déjà très exposée aux radiations

La persistance de la contamination en iode 131 des sols prélevés par la CRIIRAD fin mai 2011 dans la
ville de Fukushima permet d’évaluer les retombées initiales en iode 131 à des millions de Bq/m2.

L’iode 131 a une période physique de 8 jours, sa radioactivité était donc plus de 600 fois supérieure
lors des retombées. Ceci témoigne de la forte contamination de l’air lors de l’arrivée des panaches
contaminés en particulier le 15 mars 2011.

Il y avait également d’autres substances radioactives qui se sont largement désintégrées depuis
comme le césium 136, le tellure 129, le tellure 132, l’iode 132, l’iode 133, etc.. ainsi que des gaz
radioactifs comme le xénon 133 et le krypton 85 qui ne sont pas accumulés dans les sols.

Les habitants de cette ville ont donc déjà été soumis à une contamination interne très importante
d’abord par inhalation d’air contaminé et surtout par ingestion de denrées contaminées du fait des
dépôts de substances radioactives. Les autorités japonaises n’ont en effet édicté des restrictions de
consommation sur la préfecture de Fukushima qu’à partir du 21 et 23 mars (selon les types
d’aliments). Les populations ont donc consommé pendant plus d’une semaine des aliments très
contaminés, sans aucune restriction ni information. Ils ont pu de ce fait recevoir des doses efficaces
de plusieurs dizaines de milliSievert et les doses à la thyroïde dépassant le Sievert.

Pour mémoire, la contamination initiale des épinards par l’iode 131, à 100 km au sud de la centrale
était telle qu’en consommant 200 grammes un jeune enfant pouvait dépasser la dose maximale
annuelle admissible de 1 milliSievert, à 40 kilomètres au nord-ouest, les végétaux étaient tellement
contaminés que cette limite annuelle pouvait être atteinte en consommant 5 grammes de végétaux.

Il est indispensable que les populations touchées obtiennent une évaluation fiable des doses déjà
subies et il est impératif de tout faire pour limiter leur exposition à venir.

 2 / Ampleur de la zone touchée par les retombées

Les retombées concernent un territoire très étendu, bien au-delà de la zone interdite de 20 km et bien
au-delà de la préfecture de Fukushima. En fonction des conditions météorologiques, les masses d’air
contaminé se sont déplacées sur des centaines de kilomètres et les précipitations (pluie et neige) ont
entraîné les particules radioactives au sol. Les dépôts de césium 134 et 137 entraînent une
contamination durable.

Ceci est confirmé par les prélèvements de sol et par les mesures de débit de dose réalisées [2] par la
CRIIRAD (à 1 mètre du sol), du 24 mai au 3 juin 2011. On mesure en effet :

- 0,47 μSv/h à Marumori (préfecture de Miyagi), à environ 60 km au nord de la centrale. Le niveau
naturel calculé [3] est de 0,1 μSv/h et les retombées [4] en césium 137 et 134 de plus de 95 000 Bq/m2.

- 0,33 μSv/h près de Hitachi (préfecture d’Ibaraki) environ 88 kilomètres au sud de la centrale. Le
niveau naturel calculé est de 0,07 μSv/h et les retombées en césium de plus de 50 000 Bq/m2.

L’iode 131 est encore détecté dans le prélèvement du 25 mai.

- 0,28 μSv/h à Ishioka (préfecture d’Ibaraki) à environ 160 km au sud sud-ouest de la centrale. Le
niveau naturel calculé est de 0,06 μSv/h et les retombées en césium de plus de 48 000 Bq/m2.

Il existe donc, tant au niveau des préfectures d’Ibaraki que de Miyagi, des secteurs sur lesquels le taux
de radiation artificiel est plus de 4 fois supérieur au niveau naturel. Cela représente donc pour une
personne qui passe 50 % de son temps en extérieur, une dose ajoutée sur les douze prochains mois
susceptible de dépasser la dose maximale annuelle admissible de 1 milliSievert par an, sans tenir
compte, ni de l’irradiation externe induite à l’intérieur des bâtiments, ni de la contamination interne
par ingestion de nourriture contaminée ou par inhalation des particules radioactives remises en
suspension.

Ces résultats contredisent les informations relayées par l’Autorité de Sureté Nucléaire française qui
écrit dans un communiqué du 28 juin 2011 : « A l’extérieur du site, la décroissance des débits de dose
mesurés dans l’environnement continue. A Fukushima, le 7 juin, le débit de dose était 1,6 μSv
(microSievert)/h. Les 45 autres préfectures présentent des débits de dose inférieurs à 0,1 μSv/h »
.

- Au niveau de la ville de Tokyo, l’exposition résiduelle par irradiation externe est susceptible de
conduire à une exposition non négligeable. La CRIIRAD a mesuré par exemple 0,14 μSv/h début juin,
dans le parc Wadabori-Koen, à Tokyo (à environ 235 km de la centrale). Dans ce parc, le niveau naturel
calculé est de 0,06 μSv/h et les retombées en césium 134 et 137 de plus de 14 000 Bq/m2. Il faudrait
disposer de données pour toute l’agglomération.

C’est pourquoi la CRIIRAD demande aux citoyens japonais d’exiger la publication de cartes détaillées
des retombées et de la contamination résiduelle, à l’échelle de tout le pays, et avec une précision
suffisante, c’est-à-dire correspondant à des retombées en césium à partir de 1 000 Bq/m2 et non pas
de 300 000 Bq/m2 comme sur les cartes publiées le 6 mai 2011.

CRIIRAD
Commission de Recherche
et d’Information Indépendantes
sur la Radioactivité
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16/07/2011
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