La Mirabelle Rouge

Le Morano’s boy de Moselle soupçonné d'affairisme...

 

 ARTICLE DE CHARLIE HEBDO DU 3 MAI 2012

 

Cela fait des années que les soupçons d’affairisme s’accumulent contre le sénateur-maire de Woippy, François Grosdidier, vieux copain de l’extrême droite, de Sarkozy et de Nadine Morano. Après avoir pris largement son temps, la justice s’y met enfin.

 



Des années de tambouille politique et voilà le résultat : après avoir arraché à la gauche la mairie de Woippy, à quelques kilomètres de Metz, en Moselle, après avoir écarté ceux qui l’avaient aidé, les uns après les autres, le cacique UMP risque d’être plombé à son tour. François Grosdidier et sa mairie font l’objet de plaintes visant une série d’incriminations qui fâchent, comme «prise illégale d’intérêts» ou «détournement de fonds publics». La justice, assoupie pendant des années, semble se réveiller. Il était temps. «Les gendarmes ont fait un énorme travail depuis 2005. Deux juges avaient vaguement commencé à instruire, mais le troisième magistrat nommé va enfin s’attaquer à l’affaire », pronostique l’avocat d’un plaignant. C’est ce qu’on va voir.
Pour expliquer ce formidable immobilisme judiciaire, un ancien proche de Grosdidier évoque d’énigmatiques protections, la «franc-maçonnerie» et autres fantasmes. Mais l’élu de Moselle n’est-il pas « l’ami de 20 ans » de Nadine Morano, comme la porte-flingue de Sarkozy le clame dès qu’elle le peut ? Après avoir frayé avec le Parti des forces nouvelles (PFN), le groupuscule facho, et avoir été particulièrement copain d’un ponte local du FN, François Grosdidier s’est rapproché du RPR, aidant la jeune Morano à trouver un job au conseil régional. En remerciement, celle qui est depuis devnue ministre soutient son obligé, notamment en 2011 alors qu’il est candidat au Sénat. Après treize ans sur les bancs de l’Assemblée nationale, Grosdidier a été élu rue de Vaugirard, après avoir forcé la main à l’UMP pour obtenir son investiture. Merci, Morano!
Woippy, ses 14000 habitants, ses subventions et ses petits arrangements… En guerre avec d’anciens adjoints, Grosdidier s’est pris en pleine figure leurs révélations sur un système où semblent régner mélange des genres, cadeaux et dépenses injustifiées… Le tout aux dépens d’une ville apparemment mise sous coupe réglée. Même si les sommes en jeu sont loin des commissions gigantesques versées à l’occasion des ventes d’armes, il semble que toutes les ficelles aient été utilisées pour faire supporter aux Woippyciens le coût des campagnes partisanes de leur maire UMP.
L’élu semblait bourré d’imagination. Les voitures de la mairie ont pu ainsi faire des centaines de kilomètres en dehors de la ville pour des destinations improbables, comme le lieu d’une université d’été de l’UMP ou la résidence d’un adjoint, week-end après week-end. Du personnel municipal aurait été utilisé pour servir aux activités parlementaires ou pour le chef local de l’UMP, un certain… François Grosdidier. Auditionnés par les gendarmes, des employés de la mairie ne se sont pas privés de le confirmer. Il y a aussi ces subventions allouées au judo-club ou à d’autres associations, souvent présidées par des proches des adjoints de monsieur le maire. Au moins, on savait où l’argent filait...
Ici, des bureaux utilisés par le député Grosdidier dans les locaux de la mairie de l’édile Grosdidier, dans des conditions financières troublantes. Là, des frais de représentation remboursés en double, par la mairie et par l’Assemblée nationale. Ici encore, des arrangements peut-être pas très nets avec l’imprimeur qui travaille traditionnellement avec la municipalité : l’association prétendument écolo de Grosdidier, Écologie responsable, a par exemple fait imprimer 17500 documents sans qu’une seule facture ou justificatif de paiement soient fournis. Et que dire de ces commandes de 70000 dépliants pour une «fête des Fraises» en 2004 ou de 92000 brochures pour la «fête de la Science» en 2005, alors qu’il n’existe à Woippy que 6000 boîtes aux lettres? La mairie a-t-elle payé des factures gonflées sur mesure afin de permettre l’impression de tracts de l’UMP ou la propagande politique de Grosdidier? Dans certains cas, des régularisations ont été effectuées, après le démarrage de l’enquête. Dans d’autres, les gendarmes attendent toujours les justificatifs, que des perquisitions à la mairie et chez l’imprimeur n’ont pas permis de retrouver.
François Grosdidier, contacté par Charlie, balaie ces soupçons. «Je n’ai pas eu de nouvelles de l’enquête depuis 6 ans. Ils ont regardé tous les marchés publics, tout cela finira en eau de boudin car la ville est gérée honnêtement», assure celui qui a été interrogé pendant l’enquête préliminaire, mais que le juge d’instruction n’a pas convoqué. 
Les gendarmes se sont aperçus également que le Morano’s boy, alors député, briguant en 2004 la présidence de l’UMP, avait profité des enveloppes préaffranchies de l’Assemblée pour sa campagne. Soit quelque 27500 brochures postées aux frais de la représentation nationale. Interrogé par le procureur de Metz en 2005, Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée, a signé une belle lettre pour expliquer que cela ne se faisait pas. Bah, répond benoîtement Grosdidier, «je ne connais pas un député qui n’ait pas écrit à ses soutiens par la franchise parlementaire». Ravis de le savoir.
Deux de ses proches ont été mis en examen, mais les plaignants réclament des poursuites contre le maire lui-même. « Ce dossier prend un retard considérable, a écrit un avocat au juge, le 30 janvier 2012, regrettant «que le temps judiciaire semble pour l’instant protéger ou à tout le moins préserver» les personnalités politiques locales. Qu’en termes choisis ces choses-là sont dites…    
Laurent Léger (Charlie Hebdo du 3 mai 2012 ) 

 

 

 

 

 

 

 



22/06/2012
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