La Mirabelle Rouge

Comment tuer le fret SNCF ? (article de l'Humanité)

SNCF :petit mode d'emploi pour tuer le fret

L'Humanité s'est procuré un document interne émanant de la direction de l'entreprise publique qui prévoit l'abandon du transport de 255 000 wagons et un recul d'un tiers des volumes transportés par rapport à 2008. La mise en œuvre de ce plan interviendra après les régionales.
La direction de la SNCF s'est-elle fixé pour objectif de dégrader elle-même les résultats de sa banche fret  ? Les conséquences de la crise économique sont régulièrement mises en avant pour justifier le recul des trafics et des volumes dans ce secteur. L'Humanité s'est procuré un document interne qui tend à démontrer que cette dégringolade est en partie organisée. Baptisé « Démarche, flux dessertes  : un projet, une méthode, des résultats attendus et une équipe », ce document de 22 pages est, selon une source qui a souhaité conserver l'anonymat, en cours de finalisation par « le premier cercle dirigeant » de la SNCF. Il décrit la stratégie que veut mettre en œuvre la direction, ses « cibles » et « critères » d'abandon de trafics, et la méthode pour faire accepter ses choix par les chargeurs ainsi que les « précautions oratoires » à prendre afin de limiter l'impact politique et médiatique de la restructuration. Sollicitée par l'Humanité, la direction de Fret SNCF n'a pas donné suite à nos appels.
 
À l'horizon 2011, à l'issue de son plan, dont l'essentiel doit être mis en œuvre au second semestre de cette année, la direction prévoit que la branche fret aura transporté 616   000 wagons en moins par rapport au 31 décembre 2008. Parmi eux, 361 000 « pertes exogènes », c'est-à-dire dues à une cause extérieure (conséquence de la crise économique ou concurrence des autres opérateurs ferroviaires et surtout du transport routier), mais dans le même temps, la direction prévoit, sous la pudique appellation de « flux non retenus », d'abandonner 255 000 wagons dont le transport a été jugé non rentable. Au final, malgré un gain de 103 000 « nouveaux flux », Fret SNCF s'apprête à perdre 513 000 wagons, soit un tiers du nombre total de wagons transportés en 2008.
 
Le budget de la SNCF est-il sincère quand il prévoit une baisse de 11,2 % du chiffre d'affaires de la branche fret  ? Dans son document, la direction décrit la « cible » en matière de réduction des trafics par « entité de commercialisation ». Ainsi, pour les produits charbon et acier, elle prévoit un recul de 30 % du nombre de wagons transportés, de 35 % pour la chimie, de 50 % pour le transport d'automobiles et les produits de grande consommation, et de 30 à 45 % pour l'agriculture et les produits de carrière. L'ampleur de ces cibles est plus élevée que l'addition des pertes réalisées en 2009 et celles prévues au budget 2010, soit 30 % en moyenne.
 
En annonçant son retrait du wagon isolé, c'est-à-dire l'abandon de la prise en charge des transports de marchandises ne nécessitant pas l'emploi d'un « train entier » (un seul expéditeur et un seul destinataire pour 20 à 25 wagons), la SNCF a prétexté vouloir se concentrer sur ce dernier créneau. Or, le document interne que nous nous sommes procuré fait état de la volonté de la direction de ne plus également assurer une part de ces trafics. Outre des « cibles » en termes de réduction du nombre de wagons de l'ordre de 30 à 40 % pour les trains entiers, le document fixe un seuil de « 3 allers-retours, au minimum, par semaine » au-dessous duquel la branche fret refusera de prendre en charge ces trains.
 
En cours de finalisation en ce qui concerne « les cibles » définitives d'abandon de trafic et leur cadencement, la direction prévoit « les premières mises en œuvre (d'effet limité) » à compter d'avril 2010. Les « opérations de repositionnement plus lourdes » seront conduites au second semestre.
 
Pour la direction, il y a les grands comptes, entendre les gros clients, qui ont été informés dès août de ses projets et ont pu faire remonter « leur problématique » afin que leurs intérêts soient préservés, et puis il y a « le client moins stratégique » qu'il faut « laisser conclure de lui-même » du bien-fondé de l'abandon par la SNCF du transport de ses marchandises.
 
« Les élections régionales ne doivent pas être perturbées par des manœuvres non maîtrisées du fret », conseille la direction en termes de « précautions oratoires ». Par contre, « les élections professionnelles de 2011 ne peuvent pas servir de prétexte à l'inaction ».
 
Pierre-Henri Lab


04/02/2010
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