La Mirabelle Rouge

La crise économique est installée dans la durée.

Bonjour la crise !

 

par Michel Husson, Regards, Avril 2010

La Grèce est aujourd’hui un condensé de ce qui nous attend en Europe. L’offensive spéculative des marchés financiers, préparée en petit comité sous l’égide de Georges Soros (par ailleurs grand philanthrope et critique de la finance) démontre s’il en était besoin que tout ce que l’on nous a raconté sur la nécessaire « régulation » des marchés financiers était du flan. Fondamentalement, les gouvernements sont au service de la finance ou, pour être modéré, ont choisi de ne pas aller à l’encontre de ses intérêts. Cela n’exclut pas des contradictions au sein de ce petit peuple : la finance cherche à se faire un maximum de fric, les gouvernements doivent quand même gérer les affaires courantes. Face à la crise, ces derniers n’ont pas hésité à déverser tout l’argent nécessaire pour sauver les banques et la finance, mais en se gardant bien d’y mettre la moindre condition. Partout en Europe, les banques se renflouent en prêtant à un taux d’intérêt bien supérieur à leur taux de refinancement. Sous cette forme, les subventions aux banques coulent à jet continu. La crise n’a rien changé à cette soumission. Les gouvernements n’ont pas un seul moment envisagé sérieusement de sanctionner la spéculation ou d’encadrer des instruments purement spéculatifs, comme les fameux Credit Default Swaps. Ils auraient pu imposer aux banques de détenir une fraction de leurs actifs en titres de la dette publique et mutualiser la gestion de la dette au niveau européen. Mais ne rêvons pas : leur seule préoccupation est de redonner confiance aux « marchés » en imposant à la Grèce un plan d’ajustement d’une incroyable brutalité. Le seul débat porte sur le moyen d’y parvenir, et le projet d’un Fonds Monétaire Européen n’a de sens que s’il permet de mieux contrôler la réalité de cet ajustement. Le creusement des déficits publics est un phénomène général en Europe et, si la Grèce est apparue comme le maillon faible, beaucoup d’autres pays sont dans une situation aussi fragile. Les économistes de l’OFCE viennent de mener un exercice de prospective qui montre que la dette est là pour durer. Le plan d’ajustement présenté par la France repose sur une hypothèse de retour à une croissance 2,5 % dès 2011 à laquelle personne ne croit : ni Bercy, ni la Commission européenne Cette dette n’est pas soutenable, même d’un point de vue de gauche : elle implique en effet que, durant une période indéterminée, une partie importante du budget serait captée par une couche de rentiers qui prêtent à l’Etat plutôt que de lui payer des impôts. En plus, cette charge de la dette pourrait se mettre à gonfler à partir du moment où le taux d’intérêt réel viendrait à augmenter. Enfin, la vulgate libérale expliquera que cette dette publique « évince » l’endettement privé et donc bride l’investissement, donc la croissance, etc. C’est pour cela que l’exemple grec doit être médité : il représente une forme de répétition générale des politiques de super-austérité qui vont tendre à se généraliser. Dans le même temps, évidemment, les patrons vont vouloir rétablir leurs profits écornés par la crise pour mieux affronter la concurrence. Cette double austérité, salariale et budgétaire, conduit directement à une nouvelle récession. Mais chaque pays cherchera à tirer son épingle du jeu, au prix d’une concurrence exacerbée. Dans cette Europe qui a choisi la concurrence comme emblème, il ne faut pas s’attendre à la recherche de solutions coopératives. Dans cette conjoncture, tout est affaire de timing, et c’est dorénavant le gros problème de Sarkozy. La bourgeoisie n’a pas d’objection de principe à son charlatanisme (le chômage va bientôt baisser, la production industrielle va augmenter de 25 % d’ici à 2015, etc.) mais il lui faut attendre 2012 avant d’entamer le tournant vers l’austérité et cette échéance est un peu éloignée. En attendant, il laisse filer les déficits. Tant qu’à faire, DSK ferait peut-être mieux le job, avec le même enthousiasme austère que Merkel, ou ses camarades socialistes, Zapatero et Papandréou. Il y a une autre leçon à tirer de la Grèce, c’est que la « régulation » du système ne dépassera pas spontanément le stade de la simulation. Seule une mobilisation sociale venant bousculer le business as usual peut changer un tant soit peu les règles du jeu. Et cette mobilisation doit être à la hauteur de la violence exercée par les dominants : c’est la seule « éthique » à laquelle ils soient vraiment sensibles.



12/03/2010
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