La Mirabelle Rouge

Luxembourg: le "paradis fiscal" et la discrimination sociale.

Après le succès de la manifestation intersyndicale de jeudi, le syndicat luxembourgeois OGB-L a entamé dès le lendemain le second round de son combat contre la loi 6148.

Rassurés par la mobilisation massive du 16 septembre, les responsables du syndicat majoritaire ont dévoilé, vendredi matin, leur second atout face aux nouvelles dispositions gouvernementales en matière d’allocations familiales : «  L’OGB-L a récemment déposé une plainte fouillée et documentée auprès de la Commission européenne contre le Grand-Duché de Luxembourg pour avoir violé, par la loi du 26 juillet 2010, plusieurs dispositions du droit communautaire en excluant les étudiants non-résidents, enfants de frontaliers travaillant au Luxembourg, de l’aide financière de l’Etat pour études supérieures. » 

Une longue procédure

Les juristes du syndicat luxembourgeois considèrent en effet que ces aides d’Etat ne sont rien d’autre que des allocations familiales déguisées. Elles ne peuvent, de ce fait, être réservées aux seuls résidents : «  L’allocation de rentrée scolaire et le boni pour enfant n’ont pas réellement disparu. Comme le dit l’exposé du projet de loi lui-même, ces prestations familiales " ne seront plus versées par la Caisse nationale des prestations familiales. Dorénavant, les étudiants de l’enseignement supérieur toucheront des aides financières de l’Etat pour études supérieures". Les allocations familiales ne sont donc que dissimulées et continuent d’être indirectement payées. Le boni pour enfant, quant à lui, est même  "bonifié d’office sous forme d’aide financière de l’Etat". En réservant la continuation de prestations sociales à des étudiants luxembourgeois ou, sous certaines conditions, à des étudiants d’autres nationalités, tous devant résider sur le territoire luxembourgeois, le législateur a violé en premier lieu le règlement 883/2004 qui, dans une perspective d’égalité de traitement, lie le paiement des prestations familiales à la législation du pays où s’effectue le travail.  »

Et même dans l’hypothèse où ces aides d’Etat posséderaient «  une nature juridique propre par rapport aux anciennes prestations familiales », elles seraient toujours contraires au règlement 1612/68 sur la libre circulation des travailleurs, ainsi qu’à divers traités européens.

La procédure risque toutefois d’être longue. A moins, bien sûr, que le gouvernement Juncker préfère amender sa loi 6148 avant d’être rappelé à l’ordre par la Commission, voire la Cour de justice européenne.

 

Christian Knœpffler ( RL 19.09.2010)

 

 

Les syndicats luxembourgeois tablaient officiellement sur « mille à deux mille » manifestants. Hier, ils auront finalement été plus de cinq mille à se rassembler à Luxembourg. La résistance marque un premier point.

 

L’ambiance rappelle décidément celles qu’on a pu voir et revoir lors de la dernière coupe du monde de foot : il fait plutôt beau mais un peu frisquet, d’innombrables drapeaux flottent au vent, le son des vuvuzelas est assourdissant, et il y a même une fanfare qui, dans un coin, tente d’imposer ses rythmes cariocas… Mais nous sommes place Clairefontaine à Luxembourg, où une foule en colère s’est massée sous les fenêtres des ministères, noyant de sa masse fluctuante la statue de la Grande-Duchesse Charlotte, là où les touristes de passage ont pris l’habitude de se faire prendre en photo.

A vrai dire, l’Afrique du Sud n’est pas aussi éloignée qu’on pourrait le croire. L’Afrique du Sud d’il y a vingt ans en tout cas : car c’est bien contre une forme (discrète) d’apartheid que protestent les manifestants. Une discrimination sociale qui touche les non « résidents » du pays… «  Ce que le Luxembourg est en train de faire à ses travailleurs frontaliers est à peu près comparable à ce que la France vient de faire avec les roms ! », lâche Christian avec un sens aiguisé du raccourci médiatique. Employé dans l’informatique, cet habitant de Freistroff manifeste en famille, avec femme et enfants. Thierry, domicilié à Hayange-Le Konacker, lui, est venu tout seul. Salarié depuis dix-huit ans «  dans l’industrie du verre » au Luxembourg, son verdict est tout aussi cruel : «  Avec cette nouvelle loi, le Grand-Duché nous fait comprendre que nous, les frontaliers, ne comptons pas. En fait, on n’est rien du tout ! »

Engorgée

Tout autour, les manifestants continuent à affluer. En solo, par petits groupes, parfois par vagues entières : les syndicats luxembourgeois ont affrété des bus dans toutes les régions frontalières. Ils ont d’ailleurs bien fait les choses, les syndicats : dès leur arrivée, les manifestants se voient proposer casquette et chasuble de couleur rouge (OGB-L) ou verte (LCGB), et les orateurs prennent soin de rappeler qu’il ne sera pas question de jouer les prolongations : démantèlement à 18 h pile, et en bon ordre s’il vous plaît…

Postée au coin de la rue de la Congrégation, Carole, jeune militante entièrement drapée de rouge, additionne scrupuleusement les arrivées sur son smart phone. A 16 h 30, un bon quart d’heure avant le début officiel des festivités, son compteur affiche déjà 900 présents. De l’autre côté de la place, «  des collègues en font de même » pour ceux qui arrivent par la rue Chimay. A 17 h, le chiffre officiel – et crédible – est triomphalement annoncé au micro : les manifestants sont finalement cinq mille. Et même plus si l’on tient compte de tous ceux qui sont restés dans les embouteillages d’une capitale luxembourgeoise littéralement engorgée ! Certains n’arriveront d’ailleurs qu’à temps… pour prendre le chemin du retour. Jusqu’à St Vith, en Belgique germanophone, derrière les Ardennes, ça fait une trotte.

Mais le jeu en valait la chandelle : leur «  tour de chauffe » couronné de succès, les syndicats attaquent la rentrée avec une confiance accrue. L’automne sera chaud, au Luxembourg. Plus chaud qu’en Afrique du Sud…

Christian KNŒPFFLER (RL du 17.09.2010)



17/09/2010
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