La Mirabelle Rouge

Préavis de licenciement dans la fonction publique

Anne Baltazar, secrétaire générale de la fédération des fonctionnaires Force ouvrière (FO), explique pourquoi le projet de décret sur la réorientation professionnelle des agents de l'Etat, qui sera présenté le 11 février au Conseil supérieur de la fonction publique, provoque une telle polémique chez les syndicats de fonctionnaires.

Le texte prévoit qu'un agent "dont   l'emploi est supprimé dans le cadre d'un projet de réorganisation" de son service sera mis en disponibilité d'office s'il refuse trois postes proposés en remplacement par l'administration. Que signifie cette disponibilité d'office ?

C'est un pré-licenciement déguisé. Le ou la fonctionnaire restera titulaire de la fonction publique mais ne percevra plus de salaire. Il recevra à la place une allocation sociale : un petit quelque chose qui ne remplacera en rien des revenus. Pendant ce temps-là, l'agent sera obligé de guetter lui-même des vacances d'emploi, pour n'importe quel poste et dans n'importe quelle administration de sa région. Le texte ne prévoit aucune aide pour l'accompagner dans cette recherche. S'il ne trouve rien qui lui corresponde, il sera licencié. La mise à disposition d'office existe déjà en cas de problèmes de santé et d'invalidité, mais ce projet de décret l'associe à des licenciements de titulaire. C'est inacceptable.

Le ministre de la fonction publique, Eric Woerth, a pointé qu'avant d'en arriver là, les fonctionnaires pourront bénéficier d'une réorientation personnalisée et suivie, afin d'éviter qu'ils ne refusent trois postes. Ce n'est pas suffisant selon vous ?

Non, car il n'y a aucune visibilité sur les postes en question à pourvoir en cas de réorganisation des antennes des services publics. L'autorité en la matière se trouve entre les mains du préfet de région, qui gère les arrêtés d'affectation sans concertation avec le personnel ou les syndicats. Les chefs des antennes concernées agiront selon ses directives, sans marge de manœuvre. Des conseillers en mobilité ont certes fait leur apparition l'année dernière dans les préfectures, mais nous ne sommes pas informés quant au rôle qu'ils auront dans ces mouvements de personnel. C'est le règne de l'incertitude et de l'insécurité, et découvrir ces mesures au fur et à mesure ne nous rassure pas. Le doute est par ailleurs permis concernant la "réorientation" proposée, et les offres d'emplois compatibles avec la vie des agents.

Les réorganisations de service seront-elles nombreuses ?

La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2007 par le gouvernement Sarkozy, dans laquelle s'inscrit la réforme de l'administration territoriale dont il est ici question, est claire dans ses principes : l'Etat veut faire des économies sur le service public. Cela s'est d'abord traduit par le non-remplacement d'un employé sur deux partant en retraite. Ce projet de décret est un nouvel outil pour se débarrasser des fonctionnaires. Il fait prendre une tournure plus ferme à la RGPP. Dans ce contexte, tous les agents sont potentiellement concernés par des suppressions de postes. Sous couvert du redéploiement et de la restructuration de la fonction publique, ce sont tous les éléments d'un plan social global sur les fonctionnaires qui se mettent place.

Michaël Szadkowski

Le Monde du 02.02.2010



02/02/2010
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