Les salariés de Total, en grève depuis huit jours, ont voté mercredi la reprise du travail dans toutes les raffineries, sauf à Dunkerque, où la grève se poursuivra jusqu'au 8 mars, date d'un comité d'entreprise crucial pour l'avenir du site nordiste.
Les délégués ont insisté sur le fait que le vote portait «sur une suspension de la grève et non une fin de grève» et que le mouvement pourrait être relancé en fonction du contenu de ce comité central d'entreprise consacré au devenir de la raffinerie des Flandres à l'arrêt depuis septembre.
Les salariés des raffineries de La Mède (Bouche-du-Rhône), Feyzin (Rhône), Donges (Loire-Atlantique), Gonfreville-L'Orcher (Seine-Maritime) et Grandpuits (Seine-et-Marne) ont tous voté la reprise du travail.
«Nous avons appris que les autres sites reprenaient alors nous avons préféré faire le même choix car nous avons toujours dit: on démarre ensemble et on reprend ensemble», a commenté le secrétaire CGT du comité central d'entreprise (CCE), Christian Votte, sur le site de Gonfreville. Cette décision a été prise à l'issue d'une assemblée générale confuse qui réunissait une partie du personnel de l'après-midi et celui de journée.
Un premier vote avait donné une majorité pour la reprise du travail par 160 voix contre 115, mais ce résultat a été contesté en raison de la présence d'une forte proportion de non-grévistes parmi les votants.
A Feyzin, certains salariés ont aussi fait part de leur amertume. «On s'arrête sur des promesses faites par des menteurs», s'est inquiété l'un d'entre eux pendant l'assemblée générale.
A l'issue d'une journée de négociations au siège de Total, la plupart des syndicats avaient appelé mardi à cesser la grève dans les raffineries, à l'arrêt depuis une semaine, jugeant «significatives» les garanties obtenues.
Les craintes d'une pénurie de carburants, au septième jour de grève dans les six raffineries de Total, ont pesé lourdement sur les négociations, et ont conduit l'Elysée à prendre directement le dossier en main.
L'avenir de Dunkerque encore incertain
Le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, a averti le groupe pétrolier que la raffinerie de Dunkerque devrait rouvrir s'il n'y avait pas «un vrai projet de substitution». Il a reproché à la direction du groupe pétrolier d'avoir laissé «courir une rumeur» concernant Dunkerque.
Au niveau national, le groupe pétrolier s'engage à ne procéder à aucune fermeture de raffinerie, en dehors, de celle, éventuelle, de Dunkerque : «Au-delà du projet d'évolution de l'établissement des Flandres, il n'y aura ni fermeture, ni cession de ses raffineries françaises au cours des cinq prochaines années», a-t-il précisé dans un communiqué.
Total s'engage à «assurer au sein du groupe la pérennité de l'établissement des Flandres», mais pas nécessairement avec une activité de raffinage, à participer d'ici fin mars à une table ronde sur le bassin dunkerquois et à garantir un emploi chez Total aux salariés.
La question des capacités n'est pas évoquée dans le communiqué du groupe, qui précise vouloir maintenir «un outil de raffinage adapté, moderne et compétitif».
De l'avenir du raffinage
La table ronde sur le raffinage pétrolier exigée par les syndicats, annoncée mardi par le gouvernement, va être organisée «aux alentours du 15 avril», a indiqué le ministre de l'Ecologie et de l'Energie Jean-Louis Borloo, mercredi sur France 2. «Le fond de cette affaire, (...), c'est qu'il y a en matière de raffinage – pas seulement en France – un certain nombre d'interrogations, et que les salariés de Total – mais pas seulement de Total, d'Exxon, enfin de l'ensemble des producteurs, distributeurs et raffineurs – veulent y voir clair sur l'avenir de cet outil industriel», a souligné Jean-Louis Borloo.
La CGT d'ExxonMobil, qui appelait aussi à la grève à partir de mardi après-midi dans les deux raffineries françaises du groupe, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Port-Jérôme (Seine-Maritime), a finalement renoncé.
En attendant, les ruptures d'approvisionnement se sont poursuivies, touchant dans la journée quelque 250 stations-service du réseau Elf et Total. Des automobilistes se sont encore précipités dans des stations-service par précaution.
Avant cet accord, Nicolas Sarkozy avait reçu mardi le directeur général de Total, Christophe de Margerie, après Thierry Desmarest, président du conseil d'administration, lundi.
Selon le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, le chef de l'Etat a demandé à l'industriel des engagements sur «la non fermeture de capacités de raffinage pour les années qui viennent».
Alors que Total met en avant des surcapacités de raffinage face à une consommation en baisse, les syndicats redoutent un désengagement progressif du groupe en France.
En mars, le groupe pétrolier avait annoncé la suppression de 268 emplois, sans licenciement, à la raffinerie de Gonfreville-L'Orcher (Seine-Maritime) et la réduction du volume produit sur ce site.
Début février, l'Ufip a estimé que 10 à 15% des 114 raffineries européennes devrait fermer. En 10 ans, la demande de produits pétroliers a baissé de 8,9% en France.
Selon des chiffres fournis par Total, la France importe environ 10 millions de tonnes de gazole, mais doit exporter quelque 5 millions de tonnes d'essence excédentaires.
(Source AFP)